Deuxième partie
Cet article raconte mon périple à travers une partie de l’Europe. Une aventure en auto-stop de 4156 kms (programmée) que j’aime à nommer « Mon expérimentation Sociale Grandeur Nature ». Le but étant de démontrer par l’exemple, que la solidarité, la générosité et la gentillesse existent réellement dans ce monde qui ne parle que de terrorisme et accentue la peur de l’autre. C’est une réalité mais ce n’est pas la seule réalité. Voici l’histoire de ma journée de Turin à Florence, le 1er août dernier. (Vous pouvez lire la première partie ici.)
Remise de mes péripéties avec la police Italienne de la veille, je ne me laisse pas décourager bien que prendre le bus direction Florence (414 km) semble assez attrayant car vraiment peu onéreux, quoiqu’un peu longuet (entre 9 et 13,90 € pour 6h à 6h30 de route). Je suis persévérante, je ne vais pas me laisser décourager au premier incident venu!
Pour la partie hébergement de cette aventure j’utilise la plateforme Couchsurfing lorsque je ne rends pas visite à des amis, c’est la cas lors de mon escale à Turin. Je ne connais personne dans cette ville où je n’ai jamais mis les pieds. Ce sera donc l’occasion pour moi de faire la rencontre de Brunilda, une vraie perle! Elle finit tard, je l’attends donc quelques heures dans un café après avoir été déposée par la police à un arrêt de bus. Autant vous dire, qu’à ce stade là je suis épuisée de ma journée et j’ai hâte de pouvoir me reposer. Sans oublier que mon sac est trop lourd (sujet que j’aborderai plus tard). On se retrouve vers 23h en bas de chez elle. Elle me laisse son lit, me donne une serviette propre, m’offre à manger (je n’accepte qu’une nectarine et un yaourt, il faut dire que je suis HS). Le lendemain matin pareil, elle ne me laisse pas payer mon capuccino et ma viennoiserie et elle prends le temps de me faire visiter brièvement le centre de Turin en passant par le symbole de la ville, au même titre que la Tour Eiffel à Paris: El Mole Antonelliana, qui doit son nom à l’architecte qui l’a conçu: Alessandro Antonelli. C’est un des plus hauts édifices en maçonnerie d’Europe, sa structure en forme de dôme fait 167,5 mètres de haut, vous pourrez la trouver au coeur de la ville, via Montebello. Depuis 1990 La Mole est devenu le musée national du cinéma.
Non loin de là, on peut découvrir une vraie curiosité, la Tranche de Polenta, du même architecte. C’est l’un des bâtiments les plus insolites de la ville comme le dit le panneau explicatif que l’on trouve Via Giulia Di Barolo: « né d’un concours de circonstances: un passage sur le devant du Corso San Maurizio, et une retaille triangulaire de trois étages achetée en 1859 par Francesca Scaccabarozzi, épouse d’Alessandro Antonelli (1798-1888) . En 1881, cet architecte surélève l’édifice de deux étages couronnées par un grenier, le portant à 27m de hauteur et de longueur: mais la largeur reste de cinq mètres sur le devant, et seulement soixante-dix centimètres sur le côté opposé. » J’adore m’enrichir culturellement sur les endroits que je visite, rien de mieux qu’une personne locale pour m’en apprendre plus. J’ai appris cette fois-ci par exemple que mon dessert préféré venait de Trévise!
Le temps passe vite, il est déjà 11h lorsque je suis prête à quitter l’appartement de Brunilda. Un tram et un bus plus tard (je m’autorise les transports en commun en ville, sinon je pourrais prendre racine avant de trouver une personne qui roule dans la même direction que moi). Je fais la rencontre de Massimo, un Italien cycliste qui m’aide à porter mon sac jusque la station service la plus proche à l’entrée de la route qui part direction Florence. Il sait bien que si il reste avec moi personne ne s’arrêtera, nos chemins se séparent donc. Je ne suis pas super bien placée mais je n’ai pas le choix.
À cet endroit, je fais la brève rencontre de mon premier pervers. Il s’arrête une première fois et me demande un « kiss » en se touchant l’entre-cuisse (je pense qu’il ne s’en rend même pas compte), je refuse bien sûr, il part. Il revient à la charge et là, soudainement il va comme par hasard à Florence, je refuse poliment à nouveau. Il est très persistant et revient une troisième fois, j’en profite pour lui essuyer un nouveau reçu en lui expliquant avec une gestuelle plus qu’équivoque qu’il s’est touché et que pour cette raison je ne monterai pas avec lui. Il comprend enfin et ne reviendra plus. Ça ne me surprend, ni ne m’effraye, il faut de tout pour faire un monde et certains peuvent se faire des idées et fantasmer sur une femme seule qui fait de l’auto-stop, il faudrait être vraiment naïf pour ne pas l’envisager.
J’attends en totalité, cet épisode inclus, plus d’1h15 sous un cagnard digne d’une journée dans le désert, il fait plus de 40 degrés au soleil, avant que deux jeunes absolument adorables, l’un est d’origine Serbe et l’autre est Roumain, Bogdan et Nicolae, tous deux extrêmement serviables, me déposent à une station essence Autogrill sur l’autoroute alors que ce n’est absolument pas leur destination. Ils m’offrent généreusement un petit café d’adieu, encore une fois la gentillesse d’inconnus envers moi est extraordinaire, cela compense plus que largement avec le petit incident préalable. Sur le parking, au moment de se quitter nous demandons à un couple d’immortaliser le moment. Puis, de manière spontanée Bogdan leur demande où ils vont. J’embarque avec eux direction Gènes, l’attente fut très brève cette fois-ci! Le couple, Estelle et Emmanuel, vont prendre le bateau dans le port de Gènes, où la promesse de vacances en Sardaigne les enthousiaste. De cet endroit au beau milieu de l’autoroute les voitures vont soit en direction de la France, soit de Florence, ce n’est pas l’endroit le plus stratégique mais au moins j’ai avancé de 150km, c’est mieux que rien. Un inconnu vient vers moi pour m’offrir un bouteille d’eau. Merci la vie.
10 minutes plus tard Jesus l’Espagnol m’avancera d’1h avec son camion, pas plus, car à nouveau, il doit prendre une pause, il conduit depuis longtemps. Il était pendant 15 ans indépendant mais à la suite d’un accident il est devenu salarié. Il aime cette vie tranquille où il passes ses journées à rouler. Grâce à la nouvelle loi du 17 juin je peux vérifier mon avancé sur google map en utilisant mon forfait français. Je suis en contact régulier avec mon ami Valério qui m’attend à Florence. Du haut de mon camion la vue est imprenable bien que difficile à capturer. J’entrevois la beauté de l’Italienne Riviera et de ses joyaux côtiers, cela me donne envie de revenir explorer les environs. Portofino, Rapallo, toutes ces petites villes et villages sont bordés de montagnes, de vrais paysages de cartes postales. Il me reste à présent 2h de route jusque Florence et il est déjà 18h30, sur l’autogrill suivant les voitures se font rares, c’est à ce moment là qu’il faut faire confiance sinon aucune voiture ne s’arrêtera et la nuit tombera. Je serais bloquée sur place. Je me rends compte qu’avec toutes ces péripéties, j’ai totalement oublié de manger. La petite pâtisserie dégustée avec Brunilda et la capuccino qui l’a accompagné sont digérés depuis longtemps. Le stress de devoir arriver à destination me coupe en général l’appétit.
J’attends une dizaine de minutes et une belle voiture s’arrête, Pascal, l’Italien de Naples s’est arrêté pour moi. Pour lui c’est la baptême, il n’a jamais pris d’auto-stoppeur de sa vie. Au début du voyage il converse avec plusieurs amies au téléphone et finit éventuellement par raccrocher. On discute en anglais. J’apprends qu’il vend des yatchs à des princes d’Arabie, son style de vie est très éloigné de mon Expérimentation Sociale. Ma vision du monde est une découverte pour lui, des éclats de rire ponctuent la conversation. Abordant toutes sortes de sujets le temps file aussi vite que la voiture. C’est déjà le moment de se quitter. Peut être nous recroiserons nous un autre jour, ailleurs. C’est vraiment agréable lorsqu’il n’y a pas la barrière de la langue. J’arrive à me faire comprendre avec mon Espagnolitano mais c’est incomparable avec ma maîtrise de l’anglais.
Je retrouve mon ami Valerio, venu me chercher en scooter. Quelle bonne idée il a eu, grâce à cette monture on évite un immense bouchon. Je finis la soirée avec lui dans un club branché avec vue sur une Florence illuminée à siroter un mojito. J’aime tellement ça, danser sur ces zones de contraste, passer d’un univers à l’autre, être un caméléon équilibriste. Lors d’un voyage alternatif comme celui-ci, il y a entre moi et cet autre monde plus « normal » un décalage invisible que je suis seule à ressentir. Ce décalage n’est ni positif ni négatif, j’y suis habituée, c’est la même sensation que l’on ressent lorsque l’on revient d’un voyage lointain, la tête pleine de ces autres manières de vivre, de faire et de penser. On se sent chez soi comme un étranger. Ce qui nous est habituellement familier ne l’est plus tout à fait, il faut un petit temps pour atterrir vraiment. Plus on voyage, plus ce temps rétrécit, on s’adapte vite, on se sent partout chez soi.
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